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Budget de la culture : panne sèche dans les départements

26 Sep

Françoise Benhamou / En pleine culture

Qui finance la culture ? Bien entendu et avant tout, ce sont les Français, à hauteur de près de 40 milliards d’euros chaque année, soit 3,5% de la consommation totale des ménages.

L’Etat, c’est-à-dire le ministère de la Culture mais aussi les autres ministères (Education, Affaires étrangères, et d’autres encore), participent au financement de la culture ; il faut ajouter la redevance et diverses autres taxes dites affectées, telle, pour n’en citer qu’une, celle que nous payons lorsque nous achetons une place de cinéma ou un billet pour un spectacle de variétés.

Toutes ces ressources publiques se montent à quelque 11,2 milliards d’euros, soit 3,6% du budget de l’Etat.

Un maillon essentiel et méconnu du financement de la culture

Ce n’est pas fini : les collectivités territoriales sont des financeurs essentiels de la culture. Les dernières données disponibles datent un peu, de 2006, mais elles sont un indicateur : les villes de plus de 10 000 habitants dépensent 4,357 milliards d’euros, et les régions 556 millions.

En 2006, les départements dépensaient 1,292 milliard pour la culture. S’ils ont peu d’obligations, ils sont essentiels à la vie culturelle :

•ils assument les responsabilités en matière d’archives et de bibliothèques départementales, qui leur ont été transférées dans le cadre des lois de décentralisation de 1982-1983 ;
•ils ont la charge des musées départementaux et du soutien au patrimoine non protégé des communes, majoritairement rurales ;
•ils soutiennent surtout des associations ou des communes pour leurs interventions en matière d’expression artistique et d’action culturelle. Sans cette aide, nombre d’activités de proximité disparaîtraient.
Hausse des dépenses, gel des dotations : la culture menacée ?
En moins de dix années, les dépenses générales des départements ont considérablement augmenté du fait de l’élargissement de l’intervention des conseils généraux dans le domaine de l’aide sociale, de l’enseignement, et des réseaux et infrastructures. Avec la crise, une part de ces dépenses s’accroît très vite.

D’un côté, le gouvernement annonce le gel des dotations aux collectivités locales, et de l’autre, les dépenses d’action sociale à la charge des conseils généraux se sont accrues de 6,3% en 2009 selon l’enquête annuelle de l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée. Cela signifie une augmentation de 28,7 milliards d’euros dont 21,5 à la charge des départements.

Un exemple : la mise en place progressive du revenu de solidarité active (RSA) a provoqué une hausse de 310 millions d’euros pour les départements due, pour partie, à l’augmentation (de 12%) du nombre des allocataires.

Dans ce contexte difficile, la culture devient une variable d’ajustement du budget. C’est d’autant plus inquiétant que la réforme en cours limite les financements croisés qui permettent à plusieurs collectivités de s’associer pour assumer des projets lourds. En effet, la disparition de ce que l’on appelle la clause de compétence générale conduit à la spécialisation de chaque niveau de collectivité.

Malaise chez les professionnels, révolte du côté des politiques
Deux pétitions circulent :

•D’un côté, plusieurs syndicats, parmi lesquels le Syndeac (Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles), s’inquiètent de l’absence de marge de manœuvre des collectivités locales si le fonds de compensation de la taxe professionnelle disparaît après 2010.
•D’un autre côté, en Seine-Saint-Denis, une pétition a été lancée pour dénoncer « la culture en danger ». 58 présidents des conseils généraux à majorité de gauche doivent se rencontrer en Seine-Saint-Denis pour manifester leur soutien au « budget de révolte » voté en déséquilibre par le conseil général dirigé par Claude Bartolone.
Budget en révolte et même en déroute pour la culture. La promotion de la diversité, le travail associatif, qui allient l’effort en matière d’aide à la création et l’action sociale et urbaine en particulier en direction des publics défavorisés et des jeunes, sont sans nul doute les plus fragiles et les plus menacés

Expo Miquel Barceló : L’éléphant n’a pas trompé

14 Sep


Rejoignez la pétition de L’ESPRIT pour le maintien de l’éléphant sur : Facebook / L’esprit d’Avignon

Avignews | le 07/09/10 à 11h22


L’événement « Terra-Mare » de Barceló, a-t-il tenu ses promesses… éléphantesques ?
400 œuvres de l’artiste catalan sont partagées dans trois lieux historiques d’Avignon depuis le 27 juin dernier jusqu’au 7 novembre. Avant d’entamer l’été indien, un petit bilan à mi-parcours de la triple exposition d’art contemporain s’impose.
Un bilan positif à différents niveaux

À la Collection Lambert, le taux de fréquentation par rapport à une exposition d’été a, jusqu’ici, été multiplié par trois. Une satisfaction sans précédent. « Fin août, on a dépassé les 21 000 visiteurs. Sans parler des chiffres de la librairie et des produits dérivés qui sont hallucinants », confirme Stéphane Isbard en charge de l’événement. « Au départ, on pensait à peine écumer les stocks, on a déjà recommandé trois fois le catalogue. En août, on avait parfois 300 personnes par jour, du jamais vu ! »

Au musée du Petit Palais, la conservatrice Dominique Vingtain, sans avancer de chiffres, annonce également une légère hausse de fréquentation par rapport à 2009. « C’est une occasion remarquable de faire dialoguer les six œuvres de Barcelò avec l’art ancien, il est rare qu’un artiste se situe dans une continuité et joue la carte de montrer son héritage culturel. Des gens viennent pour Barcelò et participent au renouvellement du musée. Mon but était surtout de travailler à une manifestation globale voulue par la Ville, mais aussi de montrer que notre collection italienne et provençale peut stimuler les artistes d’aujourd’hui ».

Seul le Palais des Papes a connu une baisse de fréquentation. « Le Palais a vu passer plus de 158 000 visiteurs depuis le début de l’expo, ce qui représente une légère baisse par rapport à 2009 (2 % de visiteurs de moins en juillet, soit 1500, et 1 % en août) » explique Muriel Botella, directrice de la communication de RMG Palais des Papes. « Mais il est difficile de comparer des chiffres dans la mesure où cela fait longtemps que l’on n’a pas organisé une exposition d’art contemporain. De façon instinctive, nous sommes plutôt satisfaits et je pense que l’exposition nous a permis de sauver la saison touristique. Rien de catastrophique ni d’extraordinaire ».

Pari tenu donc dans l’ensemble, avec un effet bonus pour la ville qui a largement soutenu l’événement. Le buzz touristique autour de l’éléphant en bronze qui trône du haut de ses 9 mètres sur le parvis de la place du Palais des Papes et qui suscite un attachement inattendu auprès de la municipalité.

D.M.

FESTIVAL D’AVIGNON : DES PAINS SUR LES PLANCHES

4 Août

René Solis – Libération 25 juillet

Spectacle d’ouverture sifflé dans la cour d’honneur, commentaires au vitriol sur «l’élitisme» de la manifestation, le Festival d’Avignon, qui s’achève mardi, n’aura pas dérogé à une tradition polémique qui dure depuis… 1947, l’année de sa création. Pas une édition sans spectateurs déçus, sans bagarres entre traditionalistes et innovateurs, ou entre Avignonnais et Parisiens. Depuis Jean Vilar, la ligne n’a guère changé : le Festival est un lieu de création et de découvertes, bien plus qu’un sanctuaire du patrimoine. Mais la querelle des anciens et des modernes s’y rejoue tous les ans.

La programmation 2010, avec sa quasi-absence de pièces du répertoire, ses adaptations de textes non théâtraux, ses performances, ses spectacles de danse, sa présence de nombreux artistes peu connus, avait préparé les bâtons pour se faire battre. «Avignon cultive ses manies», titrait le Figaro à la veille de l’ouverture. Au final, on est resté loin de la virulence de 2005, quand plusieurs personnalités éminentes – dont Régis Debray – dénonçaient l’abandon du «théâtre de texte». En fait, l’enjeu véritable de la querelle est peut-être bien politique, et tourne autour du renouvellement ou non du mandat des deux directeurs, qui s’achève en 2011.

Retour sur le film des événements. Mercredi 7 juillet, 22 heures : dans la cour d’honneur du palais des Papes, Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, est venu assister au spectacle d’inauguration du 64e Festival. Avant l’extinction des lumières, la comédienne Agnès Sourdillon s’avance sur la scène pour lire un communiqué cinglant qui s’inquiète des baisses de financement pour la culture : «Comment ne pas voir ici la marque avérée d’un mépris, pour ne pas parler d’une méfiance, voire d’une volonté d’en finir avec une politique artistique garante de la liberté de l’esprit dans ce pays ?» Signé du Syndeac (Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles), qui regroupe les directeurs de théâtres publics, le texte est largement applaudi par les spectateurs. Le ministre serre les mâchoires, et plus encore quand deux intervenants non prévus se dressent sur les gradins pour l’interpeller à leur tour. «Le spectacle, le spectacle !» s’écrie sur son siège Georges-François Hirsch, directeur général de la création artistique au ministère de la Culture.

Burlesque. C’est dans cette ambiance tendue que la pièce commence. Artiste associé à cette édition, le metteur en scène suisse Christoph Marthaler n’est pas un trublion. Unanimement salué en Europe, il est l’inventeur d’un théâtre musical et gestuel qui allie la mélancolie au burlesque. Nul besoin d’être bardé de références pour avoir accès à son univers, pas si loin de celui d’un Jérôme Deschamps. Pour la première fois de sa carrière, il a accepté de travailler en plein air et conçu pour la cour d’honneur une nouvelle pièce, Papperlapapp (équivalent allemand de blablabla). L’humour, teinté d’irrévérence envers la religion, et la musique sont bien au rendez-vous (jamais, de toute l’histoire du Festival, on a entendu des acteurs chanter aussi bien), mais le spectacle tire en longueur. Dans toutes ses pièces, Marthaler ménage des temps où il ne se passe rien, et use du comique de répétition. Cela passe mal auprès d’une partie du public, qui manifeste son agacement et quitte la salle bruyamment : «C’est nul à chier !» hurle un déçu. Tassé sur son fauteuil, le ministre n’est visiblement pas non plus sous le charme. Il applaudit à peine au salut. «Incompréhensible et snob. On s’étonne après qu’il n’y ait plus de subvention pour le spectacle vivant. C’est l’exemple même de ce qu’il ne faut pas faire», lance sur BFM TV un spectateur interrogé à la sortie. «Première houleusedansle in», titre la Provence du 9 juillet.

Samedi 10 juillet. Dans leur bureau du cloître Saint-Louis, Hortense Archambault et Vincent Baudriller, les deux jeunes directeurs du Festival (40 et 42 ans), sont inquiets. A 21 h 30 débutent au cloître des Carmes les représentations de la Casa de la Fuerza de l’Espagnole Angélica Liddell. Une artiste inconnue en France, voire dans son propre pays, qui pousse l’engagement corporel jusqu’à se scarifier sur scène. Violent, démesuré – il dure plus de cinq heures -, son spectacle va-t-il transformer le vent de fronde en tempête ? A 3 heures du matin, bouleversés par la puissance de ce qu’ils ont vu, les spectateurs réservent une longue ovation à la Casa de la Fuerza. Angélica Liddell n’est plus celle qui suscite le rejet, mais qui fait l’unanimité en sa faveur. La polémique devrait retomber d’elle-même.

Temps forts. D’autant que le Festival, s’il compte son lot de déceptions, réserve d’autres temps forts : Gardenia, la très belle pièce du chorégraphe Alain Platel ; l’adaptation en néerlandais par Guy Cassiers de l’Homme sans qualités de Musil et celle, en allemand, du Procès de Kafka par Andreas Kriegenburg, ou encore My Secret Garden, texte de Falk Richter mis en scène par Stanislas Nordey. Sans compter un autre coup de tonnerre : Schutz vor der Zukunft, l’opéra de Christoph Marthaler, en hommage aux enfants handicapés autrichiens euthanasiés par les nazis.

Mais la querelle a la vie dure : «Avignon 2010 : un millésime trop audacieux ?» s’interroge encore le Monde en une de son édition de mardi. Sur place, les spectateurs qui s’arrachent les derniers billets disponibles n’ont pas l’air de le penser. Et si, dans la cour d’honneur, Richard II de Shakespeare déçoit, c’est plutôt par le manque d’audace de la mise en scène de Jean-Baptiste Sastre.

Derrière la polémique, se joue la lutte de pouvoir autour de la succession des deux directeurs. Nommés en 2004, Hortense Archambault et Vincent Baudriller achèveront leur deuxième mandat de quatre ans à l’issue du Festival 2011. Or, selon les statuts, ils ne peuvent pas en briguer un troisième. Une simple modification des dits statuts pourrait leur permettre de rempiler, ce qu’ils souhaitent. Mais le poste suscite d’autant plus de convoitises que les clignotants sont au vert : budget en équilibre ; taux de remplissage supérieur à 90%, en augmentation constante ; rajeunissement du public ; forte présence de spectateurs et de programmateurs du monde entier (10% du total), Archambault et Baudriller peuvent être fiers de leur bilan (lire ci-dessous). Ils disposent d’importants soutiens : la maire d’Avignon (lire page précédente), qui a particulièrement apprécié qu’ils s’installent toute l’année dans sa ville, mais aussi, de façon discrète mais ferme, Louis Schweitzer, président du conseil d’administration, qui rappelait il y a quelques jours à la commission des affaires culturelles de l’Assemblée que «le Festival est très bien géré».

Inattaquables sur ce terrain, leur remise en cause ne peut résulter que d’une décision politique. Esthétiquement, Frédéric Mitterrand, qui dit «mal connaître» le théâtre, est sans doute assez loin des actuels directeurs. Homme de patrimoine, il pourrait être tenté par une option plus conservatrice, mais elle serait largement contradictoire avec l’histoire d’Avignon. Et risquerait de fragiliser un Festival vivant et en bonne santé.