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LES SUDS A ARLES : ESTRELLA MORENTE le 13 juillet

11 Juin

Digne héritière du grand rénovateur du flamenco Enrique Morente et issue d’une grande famille d’artistes gitans de Grenade, cette chanteuse magnifique a reçu en héritage toute l’essence du flamenco… qu’elle habille d’une émotion intense et d’une belle personnalité. Voix lumineuse et cachée de Penelope Cruz dans Volver, le film d’Almodovar, elle est considérée aujourd’hui comme l’une des cantaoras les plus brillantes d’un flamenco qui sait séduire un large public. Ses apparitions en France sont rares : après Chaillot et Marseille, Suds est seulement sa 3e grande scène française !

S’il est vrai qu’Estrella sort des canons traditionnels, elle respecte cependant le compas et les structures harmoniques des palos qu’elle interprète. Sa voix claire et cristalline, ses qualités techniques uniques lui permettent de jouer avec les sons et de prendre quelques libertés avec la tradition : sauts de notes comme dans un vibrato ou intonations orientales très prononcées. Et plus que chanter, Estrella raconte des histoires, confie des secrets et finit par créer une complicité avec le public. Sur scène, cette jeune chanteuse joue de toute sa sensualité et de son charisme : jeu de châle et pas de danse, créant une émotion supplémentaire au chant.

S’appeler « Morente », être l’épouse d’un grand torero (Javier Conde) et faire carrière dans le chant n’était pourtant pas simple… Née en 1980 à Grenade, elle est la fille du cantaor Enrique Morente et de la bailaora Aurora Carbonell, la nièce d’Antonio et José Carbonell -respectivement cantaor et guitariste- et la petite-fille du guitariste Montoyita ! A 7 ans elle chantait, accompagnée à la guitare par le maestro Sabicas et parcourait le monde à 16 ans avant de chanter pour Peter Gabriel et Carlos Saura…

C’est en 1997 qu’elle débute comme soliste, à la Peña de la Plateria de Grenade, à l’occasion de l’anniversaire de Federico Garcia Lorca, invitée par Cañizares au Grec’97 ou encore, et avec grand succès, aux côtés de figures comme Imperio Argentina, Martirio et Carmen Linares au Théâtre de la Maestranza. En 2001, Mi cante y un poema, premier album de la cantaora produit par son père et lancé sous le label Real World de Peter Gabriel, la lance au niveau international. Fin 2001, Calle del Aire est acclamé pour son éclectisme et son hétérodoxie. Son premier disque fut disque de platine ; le second, disque d’or…

Après 5 ans de silence discographique, sort Mujeres : s’ensuit une tournée mondiale de Broadway à Marseille, une nomination au Latin Grammy Awards et le Prix de la Musique dans la catégorie « album flamenco » en 2006. En 2008, elle reçoit le Prix du Meilleur Spectacle en direct et le Prix « Flamenco Hoy » (Flamenco aujourd’hui)… autant dire qu’Estrella a su se faire un prénom ! Fervente admiratrice de La Niña de los Peines et de Camaron de la Isla, et bien entendu de son père avec qui elle partagea la scène (et a qui elle rendra hommage au prochain festival du Cante de las Minas de la Union), Estrella Morente est aujourd’hui l’une des valeurs sûres de la jeune génération du flamenco.

Elle sera accompagnée à la guitare par Montoyita et El Monti ; chœurs et palmas : Antonio et Angel Carbonell, El Quiqui ; percussions de El Popo.

Festival les Suds à Arles. Concert d’Estrella Morente le mercredi 13 juillet à 21.30h.

FESTIVAL FLAMENCO MONT-DE-MARSAN : Rocio Molina, Israel Galvan, Maria Pages pour la 23e édition

1 Avr

Du 4 au 9 juillet prochain, Les Landes seront une fois encore le lieu d’une puissante synthèse émotionnelle, esthétique et technique. Celle d’un Art singulier et sublime bâti sur le chant, la danse et la guitare.

Organisé depuis deux décennies par le Conseil général des Landes, le Festival International Arte Flamenco de Mont-de-Marsan est devenu le rendez-vous incontournable de tous les  » aficionados « , de tous les passionnés. Les noms les plus illustres s’y sont produits, de Camaron à Cristina Hoyos, de Paco de Lucia à Sarah Baras. Jamais une scène d’art flamenco n’a accueilli autant d’artistes prestigieux.

Pour cette 23ième édition, année de l’entrée du flamenco au patrimoine mondial de l’Unesco, le festival de Mont-de-Marsan a choisi d’inviter deux figures majeures de la danse flamenca, Maria Pages et Israel Galvan. Maria Pages qui avait conquis le festival de flamenco de Mont-de-Marsan il y a deux ans avec Autorretrato, fera l’ouverture du festival lundi 4 juillet, à l’Espace François-Mitterrand avec Mirada, ballet inédit en France, créé à l’occasion des 20 ans de sa compagnie. Aujourd’hui au sommet de son art, Maria Pages triomphe sur toutes les scènes du monde.

La venue, pour la première fois à Mont-de-Marsan, du  » danseur des danseurs « , Israel Galvan, constituera un autre temps fort du festival. Bouleversant les codes d’un art qu’il maîtrise parfaitement, Israel Galvan reviendra à la source du flamenco avec son spectacle La Edad de Oro, le mercredi 6 juillet au Cafe Cantante. Une soirée unique, qui se prolongera sous la forme d’une rencontre avec le public. Il animera la master class de danse du festival.

La programmation fera la part belle à la jeune génération du flamenco avec le guitariste Antonio Rey premier prix du concours de La Unión en 2001, puis celui du concours de Jerez en 2004 (le 5 juillet) et la danseuse Rocio Molina au style personnel, mélange d’ingéniosité rare et de force terrestre, (le 8 juillet).

Parmi les nombreuses expositions, qui seront visibles pendant le festival, l’installation photographique et vidéo de Peter Knapp est un événement très attendu. Le photographe et graphiste suisse, qui fit les beaux jours du magazine Elle dans les années soixante, présentera des portraits en grand format d’artistes flamencos photographiés lors de l’édition 2010.

Festival Arte Flamenco, du 4 au 9 juillet 2011 à Mont-de-Marsan (Landes).

Vente des billets à partir du 3 mai sur http://arteflamenco.landes.org/

FESTIVAL ANDALOU : Nuit étoilée avec Luis de la Carrasca et Juan Ramon Caro

21 Mar

Le Festival Andalou fêtait sa dernière samedi à l’Auditorium du Thor avec un programme alléchant. Aux manettes, Luis de la Carrasca, en hôte courtois, effectuait la première partie avec une introduction à son univers musical, suivi par son invité le guitariste Juan Ramòn Caro, virtuose du toque flamenco en étoile d’une soirée très dense.

On ne présente plus Luis de la Carrasca. Le cantaor avignonnais a depuis longtemps fidélisé son public d’aficionados avec un travail très personnel, issu de sa culture flamenca et de ses origines andalouses, mais aussi largement parsemé de références à d’autres univers. A l’image de sa musique métissée, sa formation réunit le triumvirat classique du grupo flamenco -palmes, guitare, percussions- mais aussi un violoniste et une basse électrique, qui confèrent aux compositions une couleur très « nuevo flamenco ». Sa prédilection pour les palos festifs -tangos, bulerias, alegrias- charge ses compositions d’un sens évident de la fête, en communion parfaite avec un public toujours acquis.

Ce soir-là, Luis de la Carrasca a entamé sa prestation avec deux palos du répertoire puro, dont une belle siguiriya, tenue par la voix bien timbrée du cantaor et donnée simplement avec la très bonne guitare de José Luis Dominguez. S’ensuivirent quelques extraits de ses précédents spectacles, cette fois en formation complète, dont un passage de « A Flor de piel », créé en 2008 dans le cadre du Festival off d’Avignon. Et bien sûr, tout cela s’est terminé sur des festivos endiablés, avec une démonstration du zapateado nerveux de Kuky Santiago, parfait dans ce répertoire.

Son invité Juan Ramòn Caro lui, a d’emblée saisi par sa guitare réellement virtuose. Un toque éblouissant, magistralement mélodique, dans le droit fil d’un Rafael Riqueni ou d’un Vicente Amigo, autant dire un niveau de jeu vraiment exceptionnel. Un musicien très facil, qui exploite son manche à la perfection, nous étourdissant de ses falsetas imaginatives. Extrêmement musical, le guitariste nous offrait là un panorama convaincant de son art du toque, véritable broderie toute en finesses et harmonies.

Avec cette petite réserve cependant qui nous fait parfois préférer les maestros du style puro, tel un Moraito par exemple, dont le jeu plus mesuré, moins démonstratif -plus brutal aussi- dégage toute la puissance et l’émotion nécessaires à l’accompagnement du cantaor. Mais ici, nous sommes dans une autre approche du flamenco, plus moderne, qui a appris de l’histoire récente de cet art et des développements que les pionniers du genre ont apportés au jeu guitaristique, tel un Paco de Lucia qui a su intégrer sa très grande culture musicale, ouverte aux autres mondes, à son jeu charpenté par la tradition. Caro est de ceux-là, et l’on comprend tout le sens de sa démarche en écoutant attentivement ses emprunts discrets aux partitions exogènes au Flamenco.

De même, ses compositions sont-elles caractéristiques de ce que nous appelons « post-flamenco », que d’éminents représentants du style ne cessent d’enrichir ces dernières années : des Chicuelo ou des Tomatito, ou plus près d’ici un Juan Carmona par exemple, ont su insuffler à la composition flamenca ce souffle nouveau, n’hésitant pas à mixer des emprunts de toutes sortes à la base classique. La formation de Caro, quant à elle, est caractéristique du grupo flamenco : deux palmeros, un cantaor, l’excellent percussioniste David Dominguez, au caròn fougueux qui a collé superbement ce soir-là à l’atypique et extravagant bailaor Marco Flores. Un danseur surprenant de grâce et de hiératisme, dont les clins-d’oeil nombreux à la gestuelle du baile féminin ont ravi plus d’un, ce qui ne l’empêchait pas d’exécuter ses desplantes de fort belle manière.

Quant au cantaor José Martinez « Salao », s’il fut relativement discret dans ses interventions, compositions obligent, il n’en demeure pas moins d’une espèce rare. Un talent exceptionnel qui tient de cette voz gitane singulière, dont la tessiture particulière, très perchée parfois, tout en « tête », n’est pas sans rappeler brillamment le grand Diego el Cigala, ce qui n’est pas peu dire.

Une très belle soirée en conclusion, qui nous a offert un échantillon attrayant de ce nouveau flamenco et quelques découvertes, comme le bailaor et le cantaor du maestro, et bien sûr Juan Ramòn Caro lui-même. Vive la prochaine édition du Festival Andalou, qui sera la XIe, et dont nous attendrons avec impatience de nouvelles émotions. Bravo !

Marc Roudier
Photo : le guitariste Juan Ramon Caro

FLAMENCO : Antonio Mejias, malagueña

10 Mar


Il était à Nîmes le 19 février dernier pour un récital unique qui a rallié toute la salle du Centre Andalou à ce magnifique interprête du Cante Jondo. Un très grand cantaor… (Lire aussi notre papier)

FLAMENCO : Antonio Mejias, la jubilation et le duende

22 Fév

Multi-lauréat des plus fameux concours de l’art -La Unión, San Fernando, et maintenant Cordoba- Antonio Mejias, grand gagnant du prestigieux concours de Cordoue en 2010, était samedi à Nîmes pour un récital sans faute. Invité par l’association O Flamenco dans la petite mais chaleureuse salle du centre Andalou, le cantaor nous a ébloui par la très grande tenue de son répertoire Jondo et la profondeur de son chant, parfaitement maîtrisé, d’une beauté solaire.

Son maître Fosforito pourrait être fier de lui. Antonio Mejias possède ce placement de voix sûr et fécond, qui fonde la saveur inimitable de chaque palo qu’il aborde. Media granaina, solea, siguiriyia, le grand cante où il excelle l’habite. Même s’il ne dédaigne pas quelques chants plus festifs, por tango ou por buleria, qui révèlent la belle tessiture du cantaor, et sur lesquels il vibre intensément d’une joie communicative. C’est que le Cordouan pose les pieds dans les justes traces de ses prédécesseurs, en ayant appris toutes les subtilités et compris toute l’émotion.

Mais l’on vient écouter en priorité ce grand connaisseur du Jondo, et cette voix puissante et chaude qui l’autorise à parcourir tout le spectre du cante puro avec une égale virtuosité. Chez Mejias, on sent bien que jamais son cante n’est gratuit, tant la rigueur et la concentration sont extrêmes. Son approche du chant est réfléchie, intense. Il aborde la tradition avec un respect évident et une profonde humanité qui ne trompe pas. Sa manière, c’est de tout donner, sans retenue, mais sans vice ou fioriture. Bravo, comme on le dit du toro qui ne recule devant rien. Et ici à Nîmes, dans cette petite salle conviviale, chacun dans le public mesure combien le cantaor est investi, combien il vit littéralement ce qu’il nous offre. Une voix techniquement irréprochable, bien charpentée et très chaude, très gitane, qui ne cherche jamais à verser dans la virtuosité pour le seul plaisir de l’épate. Même si sa grande technique et un souffle de buffle l’autorisent à étirer son chant indéfiniment -jusqu’à l’apnée- ce qu’il vise est le vertige absolu de la suspension. L’étincelle noire qui va faire basculer le cantaor et son public dans une communion absolue.

Emotion, oui, que d’écouter ce jeune mais déjà ô combien affuté maestro, qui jamais ne donne dans la facilité ou l’excès. Chez lui, la dramaturgie est évidente, et se passe de tout artifice. Son cante jamais n’est facile. Nul effet, nulle coquetterie. Mejias est entier et le public le sait bien qui suspend son souffle au duende du cantaor. Et l’on voit bien ce qu’il cherche, Antonio : cette magie, ce moment d’acmé où le temps s’arrête. Vertige du cante lorsque, comme ici, il est dispensé avec grand art et une humanité de tous les instants.

Accompagné de l’excellent guitariste Francisco Pinto, tout jeune lui aussi mais au talent accompli, dont les falsetas nous ont réjoui l’âme, Antonio Mejias nous a prouvé combien il fallait désormais le ranger parmi les très grands de l’Art, à l’instar de son maître Fosforito, ou de ces cantaores de race, diamants noirs parmi les hommes, que sont Agujetas ou Terremoto.

Marc Roudier

Antonio Mejias a donné son récital le 19 février dernier à Nîmes.

FOCUS : Israël Galvan, maestro absolu

21 Fév


DANSE

« Le Flamenco empêcherait-il la fin du monde ? »

Israël Galvan est le jeune maître incontesté du baile flamenco contemporain. Imaginative et sans limite, violemment sensuelle, sa danse est un absolu magnifique. Rarement dans la jeune histoire de cet art, un danseur n’aura ouvert sa discipline à une telle contemporanéité, enrichissant sa danse d’une réflexion d’une acuité extrême. Sa dernière création, « la edad de oro » (l’âge d’or) sera à Châteauvallon, Centre National, les 11 et 12 mars prochains. A voir absolument. En préambule, un extrait d’interview datant de 2009, à l’occasion de sa création ‘El Final de este estado de cosas, Redux’ :

Dans ‘El Final de este estado de cosas, Redux’, créé au festival d’Avignon en 2009 et repris ces jours-ci, le danseur sévillan Israel Galvan explose les codes du flamenco, dépassant de manière virtuose les carcans d’une définition ou d’un style. Une notoriété grandissante qui n’est pas près de cesser. Le danseur est né sous une bonne étoile : fils d’une gitane et d’un autre danseur de légende, José Galvan, il est l’homme sans qui « le flamenco serait différent ». (1) Israel était donc de taille à s’attaquer à du grand, du lourd : son dernier spectacle s’inspire de l’Apocalypse selon saint Jean. Pour mieux contrecarrer le sort, il danse et danse encore, osant le mouvement et l’innovation contre la mort et l’habitude.

Vous avez découvert le flamenco enfant avec vos parents. Pourquoi avoir persévéré dans cette voie ?
Au début, la danse en elle-même ne m’attirait pas. Je me souviens que j’aimais jouer dans les loges, j’aimais ramasser l’argent qu’on me jetait sur scène quand il m’arrivait de danser. J’observais les adultes et à leur contact je me sentais grand comme eux. Aujourd’hui, maintenant que la danse est devenue mon métier, elle me sert à mieux me connaître. Je danse souvent seul, mais en m’entourant de musiciens et d’accessoires, je recrée mon propre univers, influencé par Vincente Escudero, Carmen Amaya…

Votre danse réinvente le flamenco. Le spectateur qui vient voir vos spectacles n’assiste pas à une démonstration conventionnelle.
Je ne suis ni un esprit rebelle, ni un génie, et je ne suis pas encore désabusé. Je suis seulement un danseur de flamenco libre. Cette danse n’a pas, que je sache, de règles établies. Il n’existe pas une loi qui édicte ce qui doit ou ne doit pas être fait : chaque artiste est libre de décider et le public reste seul juge. C’est lui qui décide si oui ou non il a vécu une expérience de flamenco en regardant un spectacle.

Pour votre dernière création, ‘El Final de este estado de cosas, Redux’, vous vous appuyez sur des passages de l’Apocalypse. Pourquoi ce choix ?
La Bible et le flamenco ont toujours été, pour moi, intimement mêlés. C’est d’ailleurs pour cette raison que je parle de « mise en (s)cène ». Quand j’étais petit, nous dormions mes parents et moi dans des cabarets andalous. Chaque matin, nous lisions un passage de la Bible. Je me souviens notamment des versets de saint Jean dans l’Apocalypse : les lamentations de ses prophéties sonnaient à mes oreilles d’enfant comme les cris des chanteurs de flamenco qui, la veille au soir, avaient chanté la seguiriya. Je vois dans l’Apocalypse toutes les peurs et toutes les fêtes présentes dans le flamenco, et je me laisse porter par ce souvenir, sans vouloir suivre le texte à la lettre.

Est-ce un spectacle liturgique ?
C’est un spectacle de flamenco. Nous, les artistes du flamenco, vivons aussi dans ce siècle, et notre danse, comme tous les arts, peut exprimer les émotions de la société actuelle : la solitude, la destruction de la famille, les catastrophes écologiques, la nature… Ce spectacle est porteur d’un message, mais le spectateur reste libre de l’interpréter. Lire la suite de Danseur de l’Apocalypse »

‘L’Apocalypse’ est sans doute l’un des textes les plus complexes de la littérature, l’un des plus commentés également. Comment traduisez-vous sur scène cette complexité ?
Les artistes qui m’accompagnent sur scène ont un lien fort avec le flamenco, qu’ils soient andalous, gitans, artistes flamenco ou non. Ces musiciens contemporains et le groupe de heavy-metal ne sont pas issus de cette tradition mais ils s’inspirent du flamenco : ils viennent de Séville et d’Utrera, où les rythmes flamencos vivent au travers des mostachones. Cette variété musicale répond à la multitude de visions et de symboles présents dans l’Apocalypse et permet d’en ressentir la complexité. Faire se rejoindre en un même lieu le chant, la danse et le jeu dramatique est également une manière de transposer les différentes grilles de lecture du texte original. Le travail du plasticien Pedro G. Romero et l’oeil avisé de mon metteur en scène Txiki Berraondo ont été déterminants.

Le texte est très riche. N’existe-t-il pas un risque d’exagérer ou d’abandonner le minimalisme esthétique qui caractérise votre oeuvre ?
J’aime être seul quand je danse. Sans chant, sans guitare. Seul mon corps est là, et devient l’instrument musical qui me manque. Ce spectacle sur l’Apocalypse – qui signifie « révélation » – était l’occasion rêvée d’exprimer par la danse tout ce que mon corps dissimule. C’est pourquoi je porte un masque que je finis par enlever pour dévoiler ce qu’il y a de plus pur en moi. Sur scène, c’est mon intériorité qui s’échappe par les pores de ma peau. Mes mouvements, ma sueur sont les manifestations physiques d’une Apocalypse personnelle. Mais la musique fait trop partie de moi pour que je puisse l’abandonner. J’en ai donc fait l’un des personnages du spectacle, un bailor qui traverse la scène et dont le chemin de croix est en équilibre entre l’enfer et le paradis.

Le flamenco empêcherait-il la fin du monde ?
Ce spectacle est né grâce à une vidéo qu’une amie et élève libanaise, Yalda Younes, m’avait envoyée. Elle y filmait une chorégraphie dansée par elle-même, et dans laquelle elle utilisait certains de mes pas. Elle y évoquait une bombe tirée par Israël ayant récemment éclaté au Liban. Elle était naturellement choquée par cet événement et je crois que, d’une certaine manière, le flamenco qu’elle interprétait lui a permis de se libérer d’une partie de sa colère. La flamenco ne résout pas la guerre et n’empêchera pas la fin du monde, mais il peut aider à garder la tête haute.

Le flamenco est l’une des rares danses occidentales qui, aujourd’hui encore, garde son identité propre, symbole de l’Espagne. Pourquoi ?
Le flamenco est une musique si puissante qu’elle porte effectivement l’identité d’un pays. Mais c’est encore plus que cela. Chaque artiste flamenco peut créer sa propre danse, y imprimer sa propre personnalité et être reconnu. D’où sa grandeur sans limite. Le flamenco est partout dans le monde, il est le monde, et ne se limite pas à des frontières géographiques.

Propos recueillis par Mathieu Laviolette-Slanka

« la edad de oro » sera à Châteauvallon, Centre National, les 11 et 12 mars prochains

ANTONIO MEJIAS, cantaor solaire

20 Fév


C’était samedi soir à Nîmes, l’association O Flamenco avait invité au centre Andalou Antonio Mejias, premier prix du très prestigieux concours de Cordoba, dont les lauréats ont écrit l’histoire du cante Flamenco : Fosforito, La Paquera, Chano Lobato, Lebrijano, Antonio Mairena, José Mercé… pour n’en citer que quelques uns, et pas des moindres !
L’ESPRIT D’AVIGNON y était. Antonio Mejias est un jeune cantaor (1979) éblouissant de maîtrise et d’art. Une voix puissante et brûlante qui n’est pas sans rappeler celle du regretté Terremoto. Une voz absolue dont on va entendre beaucoup parler…
Lundi dans nos colonnes le compte-rendu du récital étourdissant de duende de ce déjà très grand parmi les grands. Une découverte !
M.R.