Archive | septembre, 2010

BRESIL : Des riches plus riches, des pauvres toujours pauvres

30 Sep

Malgré les politiques sociales mises en place par le gouvernement, les inégalités se creusent, rappelle un célèbre éditorialiste brésilien.

30.09.2010 | Clovis Rossi* | Público republié par Courrier International

Le Brésil, depuis l’investiture de Lula en 2003, a connu une incontestable réussite. 19 millions de Brésiliens ont pu accéder à la classe moyenne depuis lors. 22 % des Brésiliens vivent en dessous du seuil de pauvreté (contre 35 % il y a huit ans). La croissance du pays reste soutenue (8,8 % pour 2010, selon Reuters), les aides aux plus démunis ont augmenté (le programme Bolsa Familia concerne 12 millions de foyers). On observe également une hausse du salaire minimum, passé en 2009 à 510 réaux (210 euros), soit une augmentation de 9,68 %. Le chômage touche moins de 7 % de la population active et l’inflation ne dépasse pas les 4,5 % par an. Le Brésil demeure toutefois en tête des pays émergents pour l’écart entre riches et pauvres.

S’il est un mythe qui a la vie dure à propos du Brésil de Lula, c’est bien celui de la diminution des inégalités. Le pays est depuis toujours celui des inégalités sociales les plus obscènes, mais la propagande officielle soutenue par certains universitaires spécialistes de la question veut nous faire croire à une fable selon laquelle les inégalités seraient en diminution, ne serait-ce qu’un tout petit peu.

Pur mythe ! Certes, les inégalités salariales ont diminué, mais pas celles entre le capital et le revenu du travail. L’abîme qui sépare le capital et le travail atteint précisément le comble de l’obscénité. “Les revenus de la catégorie des plus nantis proviennent moins du travail que d’autres sources liées à la propriété (terres, actions, titres financiers)”, rappelle Marcio Pochmann, le président de l’Institut de recherches économiques appliquées (IPEA).

Cela ne change pas. Pendant ce temps, le programme Bolsa Familia [sorte de RSA local], dont le gouvernement Lula a considérablement étendu la portée, constitue le pivot de l’immense popularité du président brésilien. La Bolsa Familia bénéficie aujourd’hui à 12,6 millions de familles, pour un coût annuel de 13,1 milliards de reais [5,8 milliards d’euros]. Mais, parallèlement, les intérêts versés aux détenteurs de titres de la dette publique se sont élevés en 2009 à la somme astronomique de 380 milliards de reais, soit l’équivalent de 36 % du budget brésilien. Si, comme l’affirme João Sicsú, un autre économiste de premier plan de l’IPEA, 80 % de l’amortissement de la dette ne profitent qu’à 20 000 familles, celles-ci ont dû percevoir de l’Etat en 2009 une somme dont le montant est 23 fois supérieur à celui versé aux 12,6 millions de familles démunies.

Le mythe de la réduction des inégalités est également battu en brèche par une étude des Nations unies sur l’emploi et le développement humain au Brésil. Elle montre que “les intérêts, les revenus locatifs et les bénéfices constituent la part des revenus brésiliens qui a connu la plus forte croissance au cours de la décennie écoulée. Ceux-ci ont dépassé les revenus provenant du travail. En 1990, les gains financiers représentaient 38,4 % du revenu national, l’une des composantes du produit intérieur brut (PIB). Ils ont atteint en 2003 un pic de 51,7 %. La rémunération des personnes actives affiche la tendance inverse. Elle est passée de 53,5 % à 42,9 %.” Les données de cette étude s’arrêtent à 2003, exactement l’année où Lula est arrivé à la présidence de la République. Mais les chiffres des années suivantes, dont se servent les économistes, indiquent clairement que la situation n’a pas – ou guère – changé. L’ONU conclut que “les bénéfices de la croissance du PIB et ceux des entreprises brésiliennes obtenus grâce aux avancées de la technologie n’ont sans doute pas été répercutés dans les mêmes proportions vers les travailleurs”.

Face à cette évidence statistique, on ne peut que s’interroger sur les raisons de la persistance de ce mythe tenace de la diminution des inégalités. L’explication en est simple : l’indice [ou coefficient] de Gini, l’indicateur le plus communément utilisé pour mesurer les inégalités, prend en compte les revenus d’une classe sociale en y incluant non seulement les salaires, mais aussi toutes les aides sociales dont elle bénéficie, comme la Bolsa Familia, et même les retraites. De plus, au Brésil, les chercheurs n’ont pas accès aux revenus du capital des classes les plus riches. “Dans quelques mois, le recensement de 2010 montrera que nos inégalités en matière de salaires et de revenus restent à un niveau très élevé. Mais, tout comme moi, la majorité de ceux qui auront répondu à ce rapide questionnaire auront omis (intentionnellement ou non) les revenus autres que ceux du travail”, explique le Pr Cláudio Dedecca de l’université de Campinhas.

Parions donc qu’il existe au Brésil un niveau d’inégalités bien supérieur à celui qu’indiquent les statistiques. Mais cela ne signifie pas que l’existence de nos compatriotes ne s’est pas améliorée, bien au contraire. On vit mieux parce que les salaires ont connu une forte hausse, parce que la population active est plus nombreuse et parce que le crédit – qui était une utopie en période d’inflation – est désormais accessible à la plupart des gens. Bien sûr, comme souvent, les classes les plus aisées ont vu croître leur niveau de vie. Et, comme il en est de même pour les plus démunis, ceux-ci ne semblent pas soucieux de faire les comptes pour voir si leur vie s’est améliorée dans une plus faible ou une plus grande proportion que celle des riches. Ce qui les intéresse est de posséder un nouveau réfrigérateur, une nouvelle voiture, et de manger plus – et mieux – à table. C’est la raison pour laquelle la candidate de Lula à la présidence, Dilma Rousseff, a de très grandes chances de l’emporter dès le premier tour, le 3 octobre 2010, bien qu’elle n’ait jamais participé à la moindre élection.

Note : * Editorialiste au quotidien Folha de Saõ Paulo.

REPÈRES Statistiques économiques
En cinq ans, 32 millions de Brésiliens ont bénéficié de l’ascenseur social ; 19 millions de Brésiliens ont pu accéder à la classe moyenne. Il y a huit ans, 35 % de la population
vivait au-dessous du seuil de pauvreté ; ce taux est aujourd’hui de 22 %. L’ancienne
classe moyenne inférieure, appelée «classe C», représente désormais la moitié de la
population du pays. Ainsi, près de 90 millions de Brésiliens bénéficient-ils aujourd’hui d’un revenu familial mensuel compris entre 482 et 2 077 euros. Ils constituent une force si puissante que certains spécialistes considèrent déjà la classe C comme la classe dominante au sens économique

MOYEN-ORIENT : Et si l’on s’intéressait un peu au sort des femmes ?

30 Sep

Le conflit entre sunnites et chiites ne cesse de prendre des dimensions alarmantes en Irak, au Koweït, mais aussi au Liban, à Bahreïn et dans d’autres pays du Golfe. L’insulte faite à Aicha, l’épouse de Mahomet, par un clerc chiite a failli mettre le feu aux poudres. Réaction outrée du quotidien koweïtien Al-Watan.

Al Watan / republié par Courrier International

Pourquoi les musulmans ne peuvent-ils développer d’autres formes de protestation pour défendre l’honneur d’Aïcha [épouse du Prophète, elle est considérée comme la « Mère des croyants » par les sunnites, mais honnie par les chiites en raison de son attitude hostile à Ali, le quatrième calife, considéré comme le père du chiisme] ? La défense d’Aïcha justifie-t-elle vraiment l’explosion de tensions confessionnelles qui en est découlée au Koweït et ailleurs ? Au lieu de préparer le terrain pour des agressions et attentats entre sunnites et chiites dans certains pays de la région, on aurait pu se saisir de l’occasion pour attirer l’attention sur le sort des Aïcha contemporaines. Ainsi, l’Aïcha afghane, dont le magazine Time a fait sa fameuse une et à laquelle sa famille a coupé le nez. Dans ce même pays, les talibans mènent une guerre sans merci contre l’enseignement des filles : ils ont détruit, selon différents rapports, des dizaines d’écoles et ont menacé les familles qui continuaient de vouloir donner une éducation scolaire à leurs filles.

Pourquoi les musulmans ne s’intéressent-ils pas au phénomène du « tourisme marital » [du tourisme sexuel sous couvert de mariages « à terme », notamment de Saoudiens en Egypte et en Syrie], ni aux mariages arrangés avec des mineures, ni au sort des femmes répudiées et à leurs enfants ? Pour eux, le scandale, ce sont des mots, des discours, des symboles. Au lieu de défendre les millions de femmes du monde musulman qui vivent dans la misère absolue et subissent des injustices, ils réagissent à la question du voile en Grande-Bretagne, en Allemagne, à New York ou à Paris.
Les musulmans affirment que l’islam protège mieux la femme que le christianisme, le judaïsme, le bouddhisme, l’hindouisme, le zoroastrisme, le bahaïsme et que sais-je encore. Pourquoi ne s’appliquent-ils pas à traduire ce discours dans la réalité ? Pourquoi ne font-ils rien pour que le monde musulman change ? Au lieu de quoi, on organise de bruyantes manifestations pour défendre « l’honneur » et « la dignité » d’une députée turque qui voulait porter le voile, pour clamer le droit de porter le niqab en France et pour dénoncer l’assassinat d’une musulmane en plein procès, dans un tribunal, en Allemagne.

Tout le monde sait que ces manifestations obéissent à des considérations partisanes, à des calculs politiques et à l’objectif de déstabiliser les régimes en place. Aucune organisation musulmane n’a fait part de sa colère contre les talibans. Aucune n’a annoncé un programme de mesures destinées à libérer la femme de sa triste condition. Au contraire, ces groupes ont réussi à priver les femmes du peu de droits et de libertés qu’elles avaient réussi à obtenir et continuent de pourchasser les femmes éduquées, les femmes qui travaillent, les femmes qui refusent d’être soumises.
De l’avant, Koweïtiennes, Arabes, musulmanes ! Dépassons ces symptômes d’une époque de fanatisme brouillon. Construisons l’avenir… radieux pour les femmes. Sauvons des millions d’Aïcha bien réelles, bien vivantes, bien de nos jours, qui continuent de subir violences et affronts.

LE MOT DE TAÏEB : Thierry Mariani, le Warrior du Vaucluse

28 Sep

Ce matin 28 septembre, voilà qu’à nouveau notre député de Vaucluse Thierry Mariani s’illustre par un « joli » coup médiatique. Cette fois, il a trouvé un truc bien gras propre à rassurer ses populations électorales du nord-Vaucluse, promptes à verser dans le vote FN, comme on l’a hélas souvent constaté. Pour « rattraper » cet électorat volatil, notre martial député a trouvé un truc : les malades étrangers qui abuseraient de notre généreux système d’assurance-maladie…

Le voici qui présente ce matin à l’Assemblée un texte dans le droit fil de la xénophobie ambiante relative aux Roms et aux populations étrangères en général, tarte-à-la crème de ce gouvernement décidément si peu sûr de lui qu’il lui faut user de toutes les grosses ficelles sécuritaires pour tenter de se rallier un électorat de la droite dure, méchamment tenté par le vote extrême, son électorat traditionnel commençant à se poser de sérieuses questions tout en se bouchant le nez.

Cette proposition de loi nauséabonde dit tout le désarroi de l’UMP devant la débandade annoncée. Il lui faut donc sans cesse inventer de nouvelles imprécations, remuer la boue xénophobe ou sécuritaire, et même user de la peur terroriste pour tenter de faire oublier au bon peuple d’en bas son bilan désastreux et ses atteintes réitérées aux droits sociaux.

L’UMP a ainsi trouvé en Thierry Mariani son Warrior sans peur et sans reproche, toujours partant pour affronter le Front National sur son propre terrain, n’hésitant pas pour cela à user des mêmes « arguments » ni des mêmes « idées ». Honneur de la France, restauration de la Nation, chasse aux étrangers, tout le répertoire du FN est largement pillé par le sieur Mariani, sans état d’âme. Qu’il fasse gaffe tout de même qu’aux prochaines échéances ses électeurs ne lui préfèrent l’original à sa minable copie.

Taëb El Baradeï

LE BILLET D’ANGELINA : Festival, le Py(re) est à venir….

26 Sep


(Le Soulier de Satin dans la version filmée de Manuel de Olivera)

Si l’on en croit Fabien Bonnieux (La Provence), ce serait donc Olivier Py qui serait favori sur les listes de son ami et ministre Frédéric Mitterrand. Bon, pourquoi pas, lorsqu’on voit le casting de rêve qui nous était proposé : Ainsi d’Olivier Poivre-d’Arvor, frère de, mais qui s’est surtout illustré par son goût prononcé du faste « diplomatique », exprimant une envie irrépressible de prendre la direction de la Villa Medicis à Rome, poste qu’il doit encore regretter, tant le prestige de la Villa et ses réceptions « républicaines » lui auraient plus.

Autre challenger sur les rangs, l’horrible et horripilant Jean-Michel Ribes, pur produit du théâtre privé parisien, dont la notoriété usurpée n’a d’égale que la suffisance et le mépris qu’il affiche avec ostentation dans les salles de spectacles (notamment avignonnaises), allant jusqu’à se permettre de téléphoner à ses amis au cours des représentations auxquelles il est convié… Un modèle de professionnalisme, de courtoisie et de savoir-vivre !

Enfin, dernière sur cette brillante pré-sélection, toujours selon La Provence, Laure Adler, à la limite notre préférée dans cette « liste » uniquement soumise aux diktats de la coterie parisianniste, nonobstant les qualités réelles de ses « lauréats ». En réalité simple répertoire courtisan, cette compilation d’heureux distingués n’a d’autre raison d’être que la satisfaction immédiate des appétits de pouvoir d’un ministre qui s’est surtout fait remarquer, jusqu’à présent, par les nominations à des postes essentiels de ses innombrables « amis », tous recrutés dans la même sphère bling-bling : Montpellier, Toulon, bientôt La Criée… Ce catalogue des « amitiés » du ministre ne cesse de se remplir de ces petites gens à qui l’on accorde des fonctions et privilèges auxquels ils ne peuvent décemment prétendre. Ainsi va la République…

Pour en revenir à notre présumé lauréat, je suppose que sa promptitude à s’immerger dans un certain répertoire bien « français » doit complaire à ses complimenteurs : Claudel, par exemple, dont le chef-d’oeuvre d’ennui qu’est le Soulier de Satin lui a valu une pluie d’éloges des bien-pensants, lecteurs assidus de Télérama ou simples nostalgiques d’un Théââtre Français. Et ne parlons pas de ses choix pour Grimm ou Offenbach (!)… Certes, Py, souvent invité de ce festival, a eu le bon goût de commettre voici quelques années en Avignon son hommage de bon aloi à Vilar, avec une préscience toute politique…

Selon certains, un metteur-en-scène, même mauvais, démago, convenu comme l’est Olivier Py, serait préférable à un quelconque technocrate. Je n’en suis pas sûre. Au moins les technocrates ont-ils le bon goût de laisser parler les artistes, et de ne pas leur piquer la place sur le devant de la scène… Mais tout cela n’est que conjectures, partialité, mauvais procès, comme dirait l’Autre… Attendons pour voir, effectivement, sachant tout de même qu’en Sarkosie, le pire est toujours à venir.

Angelina Vivaldi

Budget de la culture : panne sèche dans les départements

26 Sep

Françoise Benhamou / En pleine culture

Qui finance la culture ? Bien entendu et avant tout, ce sont les Français, à hauteur de près de 40 milliards d’euros chaque année, soit 3,5% de la consommation totale des ménages.

L’Etat, c’est-à-dire le ministère de la Culture mais aussi les autres ministères (Education, Affaires étrangères, et d’autres encore), participent au financement de la culture ; il faut ajouter la redevance et diverses autres taxes dites affectées, telle, pour n’en citer qu’une, celle que nous payons lorsque nous achetons une place de cinéma ou un billet pour un spectacle de variétés.

Toutes ces ressources publiques se montent à quelque 11,2 milliards d’euros, soit 3,6% du budget de l’Etat.

Un maillon essentiel et méconnu du financement de la culture

Ce n’est pas fini : les collectivités territoriales sont des financeurs essentiels de la culture. Les dernières données disponibles datent un peu, de 2006, mais elles sont un indicateur : les villes de plus de 10 000 habitants dépensent 4,357 milliards d’euros, et les régions 556 millions.

En 2006, les départements dépensaient 1,292 milliard pour la culture. S’ils ont peu d’obligations, ils sont essentiels à la vie culturelle :

•ils assument les responsabilités en matière d’archives et de bibliothèques départementales, qui leur ont été transférées dans le cadre des lois de décentralisation de 1982-1983 ;
•ils ont la charge des musées départementaux et du soutien au patrimoine non protégé des communes, majoritairement rurales ;
•ils soutiennent surtout des associations ou des communes pour leurs interventions en matière d’expression artistique et d’action culturelle. Sans cette aide, nombre d’activités de proximité disparaîtraient.
Hausse des dépenses, gel des dotations : la culture menacée ?
En moins de dix années, les dépenses générales des départements ont considérablement augmenté du fait de l’élargissement de l’intervention des conseils généraux dans le domaine de l’aide sociale, de l’enseignement, et des réseaux et infrastructures. Avec la crise, une part de ces dépenses s’accroît très vite.

D’un côté, le gouvernement annonce le gel des dotations aux collectivités locales, et de l’autre, les dépenses d’action sociale à la charge des conseils généraux se sont accrues de 6,3% en 2009 selon l’enquête annuelle de l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée. Cela signifie une augmentation de 28,7 milliards d’euros dont 21,5 à la charge des départements.

Un exemple : la mise en place progressive du revenu de solidarité active (RSA) a provoqué une hausse de 310 millions d’euros pour les départements due, pour partie, à l’augmentation (de 12%) du nombre des allocataires.

Dans ce contexte difficile, la culture devient une variable d’ajustement du budget. C’est d’autant plus inquiétant que la réforme en cours limite les financements croisés qui permettent à plusieurs collectivités de s’associer pour assumer des projets lourds. En effet, la disparition de ce que l’on appelle la clause de compétence générale conduit à la spécialisation de chaque niveau de collectivité.

Malaise chez les professionnels, révolte du côté des politiques
Deux pétitions circulent :

•D’un côté, plusieurs syndicats, parmi lesquels le Syndeac (Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles), s’inquiètent de l’absence de marge de manœuvre des collectivités locales si le fonds de compensation de la taxe professionnelle disparaît après 2010.
•D’un autre côté, en Seine-Saint-Denis, une pétition a été lancée pour dénoncer « la culture en danger ». 58 présidents des conseils généraux à majorité de gauche doivent se rencontrer en Seine-Saint-Denis pour manifester leur soutien au « budget de révolte » voté en déséquilibre par le conseil général dirigé par Claude Bartolone.
Budget en révolte et même en déroute pour la culture. La promotion de la diversité, le travail associatif, qui allient l’effort en matière d’aide à la création et l’action sociale et urbaine en particulier en direction des publics défavorisés et des jeunes, sont sans nul doute les plus fragiles et les plus menacés

LA CUISINE GITANE de Gatonegro

25 Sep

(photo Michel Esnault)

Une nouvelle rubrique pour l’ESPRIT : La Cuisine Gitane que Gatonegro se propose de nous faire partager dans ces colonnes chaque semaine. Cuisine des bords de chemin, art d’accomoder les petites choses que la nature nous dispense, recettes du glanage et, oui, de chapardage, la cuisine gitane sait magnifier les saveurs avec trois fois rien, souvent de manière surprenante. Sauvage, puissante, imaginative, cette cuisine nomade sait utiliser toutes les ressources de la garrigue et des bois, du fleuve, des marais et des roubines, mais elle n’oublie pas sa mémoire, que ce soient ses racines orientales, ou ses traversées de lointaines contrées.
A l’heure où nos amis Tsiganes subissent l’ostracisme des puissants, il n’est pas inutile de découvrir la richesse d’une culture, qui, si elle n’est pas écrite, recèle des trésors d’inventivité et une relation au monde parfaitement raccord avec cette décroissance que l’on retrouve désormais dans la bouche de tous nos économistes progressistes… Retour aux sources, donc, éloge du nomadisme et de la simplicité rugueuse d’un peuple qui, contre vents et marées, ne baissera jamais les bras. Les Fils du Vent, à plus d’un titre, sauront toujours nous désigner le juste chemin.

Aujourd'hui : ESTOUFFADE D’ANGUILLES ET PETITS GRIS AU ROMARIN

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C’est une vieille recette, quelque part pas si éloignée de l’antique bouillabaisse des mariniers du Rhône, un truc tout simple que les bateliers faisaient bouillir sur la berge, avec une poignée d’anguilles tronçonnées et quelques poissons du fleuve. Sauf que maintenant le Rhône est plein de saloperies, et qu’on est bien loin du temps où l’on pouvait se nourrir de sa pêche.

Anguilles et escargots, deux bestioles faciles à cueillir dans vos pérégrinations… L’escargot est un peu le symbole du Gitan, avec sa maison sur le dos et sa coquille spiralée qui évoque l’infini des cosmogonies du nord de L’Inde, d’où tous les Tsiganes sont issus. Quant au romarin, c’est l’herbe aromatique par excellence des Gitans, celle dont on ne pourrait guère se passer. Plante médicinale, rustique, au parfum puissant, son buisson piquant le protège bien, et ses racines l’arriment profondément dans les terres rêches de la garrigue, sous le butoir des vents sur ces rases étendues.

L’anguille, enfin, animal souple comme un serpent, à la chair ferme de baudroie, continue de hanter les roubines de Camargue. Il peut être amusant de partir à sa chasse, le soir, au tomber du soleil, sous le vent qui irise les marais. Mais évidemment, il y faut du temps et de la patience, ces trucs que le monde moderne a oubliés.

Donc on prendra une poignée de jeunes anguilles chez le poissonnier, disons un kg pour 4 personnes, c’est plus simple et plus cher, mais au moins pourra t-il vous les préparer. Auparavant, vous aurez fait jeuner pendant une dizaine de jours, au son et aux herbes, une livre de petits gris cueillis dans la garrigue, tout parfumés de thym et de romarin. Du romarin, justement, il en faut et beaucoup. Vous le choisirez frais et vigoureux, bien vert. Vous y rajouterez une belle orange d’Andalousie ou de Corse, les plus parfumées, une demi-tête d’ail rouge bien frais si possible, quelques filets d’anchois au sel, du poivre rouge en grain et des baies de genièvre, deux cuillères de bonne huile d’olive, une pincée de farine, du gros sel de mer, et deux trois verres d’un rouge tanique, type Corbières ou mieux, Rioja… Vous voilà parés pour la recette.

Comme beaucoup de recettes du voyage, celle-ci se cuit au bois et au charbon, dehors, sous le vent, sur un brasero que vous aurez bricolé dans un bidon d’huile, ou, si vous avez, sur un kamoun marocain, qui est un gros pot de terre cuite ajouré sur lequel on pose le tajine. Un truc de Touareg facile à surveiller, et impeccable pour une cuisson à l’étouffée. Il faudra également vous munir d’une grille et d’une cocotte qui aille sur le feu.

Commencez par tronçonner les anguilles, sans les éplucher, et jetez les dans leur peau sur la grille, sur une braise bien formée. 10 minutes tourne-retourne et elles auront pris la couleur et un bon fumet de bois. Réservez-les à côté du feu. Dans la cocotte, jetez vos escargots que vous aurez préalablement fait blanchir, 5 minutes dans une eau à ébulition, puis recoquillés après que vous en aurez retiré le pécou, c’est à dire le bout d’estomac noir qui est au fond de la spirale, et qui donne un goût amer sinon. Versez l’huile d’olive, le sel, le poivre, les baies de genièvre, et 4 à 5 belles gousses épluchées et entières. Mettez la cocotte sur la braise, qui doit être bien rouge, et remuez les coquilles sur le feu vif, jusqu’à ce qu’elles colorent. Toujours sur le feu, jetez-y votre vin rouge, le zeste entier d’une orange, 6 ou 7 filets d’anchois, et mouillez d’un tiers de litre d’eau.

Laissez cuire jusqu’à la première ébullition puis retirez du feu. Saupoudrez d’une pincée de farine en remuant à la cuillère, puis posez vos morceaux d’anguilles sur le dessus, salez-les au gros sel, et rajoutez le romarin bien frais, une belle poignée, n’hésitez pas, enfin couvrez et remettez sur le feu, cette fois la cocotte posée sur la grille. Laissez mijoter une dizaine de minutes et servez bien chaud dans les assiettes, après avoir ôté romarin et zeste d’orange.

Pour accompagner, bien sûr le Rioja de la cuisson, ou à défaut un bon Corbières un peu âgé.

Gatonegro

LE BILLET D’ANGELINA : Vous avez dit 3 millions ?

24 Sep

1, 2, 3 millions. Ouah ! Z’y vont pas avec le dos de la calculette, nos « prescripteurs » d’infos. De TF1 à Mediapart, cherchez les différences… Bon, il n’y a plus que ce pauvre ministre du travail pour se gausser de tels écarts de comptage et pour affirmer sans ciller que la Rue est en « décélération », bref en décroissance en bon Français… Tiens, serait-il lui aussi devenu adepte de la décroissance, le pote à la Bettencourt ? En tout cas, il devrait faire gaffe, le ministre, lui et ses petits copains risquent fort de se prendre un retour, à force de mépriser ainsi ouvertement l’expression de tout un pays prêt à relever les manches. Qu’on soient deux ou trois millions dans la rue ne change guère le fond de la mobilisation : le petit peuple en a marre de son Petit Président et de ses mesquineries de cour d’école, lorsqu’il s’agit de déconsidérer un mouvement qui commence à enfler et sentir mauvais pour lui et ses vassaux… Se boucher le nez, fermer les yeux et faire l’autruche ne font pas une politique. La rue n’a plus envie de croire aux lendemains qui chantent version UMP et ceux-là feraient mieux d’en prendre note. Avant qu’on ne se préoccupe plus du tout de se compter dans la rue, à quelques millions près…

Angelina Vivaldi